Expérimentations sociales avec L’Entreprise d'Optimisation du Réel (EOR)
TEXTE DU 08/01/23
L’EOR — que j’ai lancé avec une série de chercheurs — a élaboré, durant plusieurs années, un dispositif appelé OPTIMUM PARK™.
Le public entrait au sein d'environnements sonores et lumineux contrôlés par un système centralisé. Ce système s'adressait aux membres du public afin de les enjoindre à effectuer des séries d'actions. Une forme de crescendo s'opérait ensuite. Au fur et à mesure de l'expérience, un lâcher prise s'installait progressivement et le système avait de moins en moins d'instructions à donner pour que l'œuvre commune puisse s'accomplir.
Il s’agit d’un dispositif performatif qui fut présenté à IMAL, au BPS22, à Charleroi Danse, au Wiels et au Palais de Tokyo. Nous avons utilisé des technologies numériques ainsi que des techniques inspirées par l’experience de Milgram afin de renforcer les comportements grégaires et la coopération chez les humains dans l’objectif qu’ils servent un projet qui dépasse l’intérêt individuel. Il s’agissait par ailleurs de créer des environnements performatifs, englobants, permettant de dépasser la dualité artiste/public. Le public devait devenir acteur de l’œuvre et c’est pour cette raison que l’EOR (collectif artistique dont l’acronyme signifie Entreprise d’Optimisation du Réel) a utilisé des techniques de conditionnements afin que les individus s’impliquent pleinement dans le projet.

L'expérience de Milgram est une étude de psychologie sociale menée par Stanley Milgram dans les années 1960 qui a mesuré la capacité des individus à obéir aux ordres d'autorité, même lorsque ces ordres sont en conflit avec leur conscience morale. Les participants ont été placés dans la position de "maître d'expérience" et il leur était demandé d’administrer des décharges électriques de plus en plus fortes à un "apprenant" (qui en réalité était un acteur) pour chaque erreur commise pendant une tâche.
Les résultats ont montré que la plupart des participants ont continué à administrer des décharges électriques même lorsque l'apprenant exprimait des douleurs extrêmes, révélant un comportement d'obéissance aveugle à l'autorité.









Photographies prises par Stéphane Bednarek lors des expérimentations qui se sont déroulées au BPS22 à Charleroi en 2013.
OPTIMUM PARK™ fonctionnait grâce à de nombreux câbles — des opérateurs humains étaient également nécessaires (ci-dessus, Jean Biche, Marie Artamonoff, Leslie Mannès, Emmanuel Pire, Sébastien Lacomblez, Antoine Boute et deux stagiaires).






Photographies prises par Laetitia Bica lors des expérimentations qui se sont déroulées au Palais de Tokyo en 2016.
Le dispositif technique a été fortement amélioré depuis le BPS22. À partir de 2016, OPTIMUM PARK™ contrôlait également les lasers et la musique ainsi que tous les sons atmosphériques. Les contenus dramaturgiques et la dimension performative ont également été renforcés.
Article paru le 12/10/16 sur le site de la RTBF, par Arnaud Pilet
“Ils ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés. Dans le hall d'entrée des écuries de Charleroi Danses, les visages demeurent presque crispés alors qu'une ambiance de fin du monde transperce déjà les murs qui les séparent de la salle principale: "On m'a dit que c'était quelque chose d'expérimental, j'espère que ça va être bien", explique, mi-inquiet, mi-pressé l'un des candidats à se rendre dans Optimum park.
La porte s'ouvre. Une voix lunaire s'en échappe et décline des numéros. Ces chiffres correspondent au nouveau statut des spectateur: "Dès lors que vous entrez, vous devenez un numéro et une voix va vous dire quoi faire pendant la performance artistique", explique Sébastien Lacomblez, le créateur du projet.
Les spectateurs ne sont donc plus qu'objets. Puis il faut entrer dans la salle, vide et froide. L'inquiétude gagne de plus en plus de monde.
La voix électronique accueille ce petit groupe complètement plongé dans le noir. Elle fixe les règles. Ils doivent obéir aux ordres, se rendre de poste en poste lorsqu'ils seront appelés, doivent exécuter les actions demandées sans rechigner.
Trois retards au poste? C'est l'exclusion. Pas assez d'entrain? C'est une mauvaise côte assurée. Eh oui, ils viennent de tomber volontairement dans les griffes de l'Optimum park. Ils venaient voir un spectacle et se retrouvent à la merci des jugements du "système" matérialisé par cette voix lugubre.
Danser, se coucher, poursuivre un autre spectateur, réciter des descriptions scientifiques dans un micro: dans Optimum park, vous faites ce qu'on vous impose. Au début en tout cas.
Une sirène résonne, glace le sang des participants. Les 30 participants sont embarqués dans un voyage en trois niveaux.
Au début, ils se laissent porter par la voix, par les différents soldats du système qui leur imposent tour à tour d'échanger leurs vêtements avec leur voisin, de danser, de pousser des cris d'animaux ou encore de confier des problèmes personnels pour tenter de les résoudre avec les conseils d'un parfait inconnu: "On commence tout en bas, puis ça va tout en haut et ça se termine en extase", tente de résumer le numéro 31.
Dubitatifs au départ, les candidats à l'optimisation se laissent peu à peu prendre au jeu. Au fur et à mesure des trois niveaux, la voix se fait moins pressante, les spectateurs/acteurs de leur propre spectacle/vie se libèrent: "On peut voir ça comme une allégorie du système. Quand vous allez à la commune, vous prenez un numéro, vous n'êtes que ça. Dans la vie, le système vous exploite tel un numéro. Ici les gens démarrent comme ça et puis ils se libèrent progressivement du système et deviennent réellement eux-même, une version optimisée d'eux-même", explique Leslie Mannès, chorégraphe du spectacle.
Lors du niveau 3, pas de doute: les numéros ont bien récupéré leur identité. Une identité propre mais aussi une identité à travers les interactions avec les autres: "On croit que l'on vient ici pour s'optimiser soi-même mais au fond, c'est surtout avec les autres, s'étonne le numéro 23. Moi je suis quelqu'un d'assez sociable au départ mais pour ceux qui sont plus timides, on voit une véritable évolution entre le début et la fin".







Photographies prises par Leslie Artamonow lors des expérimentations qui se sont déroulées chez Charleroi Danse en 2016.
Il s’agit de l’apogée d’OPTIMUM PARK™ tant du point de vue technique qu’opérationnel. Nous maîtrisions mieux les dispositifs lumineux qu’à Paris et les agents disposaient d’une meilleure expérience (ici Sébastien Lacomblez, Steve Dujacquier, Leslie Mannès, Emmanuel Pire, Guillaume Cazalet, Antoine Boute, Pauline Cabrit, Sébastien Biset, Amélie Marneffe, Marie Artamonoff).
Une fin qui se termine en apothéose. Au départ séparés, chacun dans leur coin, les spectateurs ne forment désormais plus qu'une masse organique continue. Ils chantent, dansent, tapent sur des tambours, crient et se baladent au milieu d'un magma d'individus. La lumière s'allume brutalement. Ils quittent Optimum park, marqués pour longtemps.”
Production: Sébastien Lacomblez
Programmation: Emmanuel Pire
Dramaturgie: Leslie Mannès
Texte: Sébastien Biset et Antoine Boute
Lumière: Sébastien Lacomblez, Lightup et Emmanuel Pire
Son: Sébastien Lacomblez, Poladroid et Steve Dujaquier
Producteur exécutif: Nicolas Wierinck
Opérateurs: Leslie Mannès, Antoine Boute, Sebastien Biset, Marie Artamonoff, Guillaume Cazalet, Pauline Cabrit, Amélie Marneffe
Programmation: Emmanuel Pire
Dramaturgie: Leslie Mannès
Texte: Sébastien Biset et Antoine Boute
Lumière: Sébastien Lacomblez, Lightup et Emmanuel Pire
Son: Sébastien Lacomblez, Poladroid et Steve Dujaquier
Producteur exécutif: Nicolas Wierinck
Opérateurs: Leslie Mannès, Antoine Boute, Sebastien Biset, Marie Artamonoff, Guillaume Cazalet, Pauline Cabrit, Amélie Marneffe
Co-production Fédération Wallonie-Bruxelles, Charleroi Danses, l’Eden (Charleroi), Pictanovo & Creative Wallonia dans le cadre du Fonds Expériences Interactives. Avec le soutien du Conseil Régional Nord-Pas de Calais, de Lille Métropole Communauté Urbaine, de la CCI Grand-Hainaut, du Centre National du Cinéma et de l’image animée.
Avec le soutien du Conseil Régional Nord-Pas de Calais, de Lille Métropole Communauté Urbaine, de la CCI Grand-Hainaut, du Centre National du Cinéma et de l’image animée, de la Wallonie, la Région wallonne, iMAL, Vecteur, BPS22, Ville de Charleroi, Fructôse, Dunkerque Grand Littoral, Cinquante° Nord, WBTD, WIELS, Kunstenfestivaldesarts, Palais de Tokyo. Courtesy of White Circle
Avec le soutien du Conseil Régional Nord-Pas de Calais, de Lille Métropole Communauté Urbaine, de la CCI Grand-Hainaut, du Centre National du Cinéma et de l’image animée, de la Wallonie, la Région wallonne, iMAL, Vecteur, BPS22, Ville de Charleroi, Fructôse, Dunkerque Grand Littoral, Cinquante° Nord, WBTD, WIELS, Kunstenfestivaldesarts, Palais de Tokyo. Courtesy of White Circle